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Tout d'abord, il y eut une photo "ratée", celle de Roger McGuinn au Bottom line de New York le 9 septembre 1975, une photo bougée floue, non exploitée parce qu'inacceptable à l'époque pour la presse musicale.
(Elle ne figure pas dans la série "N.Y.C. POP").
Pourtant l'ex chanteur des Byrds y est tout à fait identifiable et l'effet général reflète bien l'ambiance du concert.
L'image ne pouvait pas être totalement rejetée. |
Vint si ajouter, quelque mois plus tard, une autre photo, elle aussi "ratée", prise dans l'auditorium du Brooklyn College lors d'un concert des Head Hunters. Le mouvement rapide du saxophoniste Bennie Maupin et la lente vitesse de prise de vue créent un effet que les magasines de jazz auraient refusé en 1976.
(Elle ne figure pas dans la série "N.Y.C. JAZZ").
Mais l'évocation de la musique est à l'évidence exprimée là.
L'image fut donc archivée.
En 1983, je passe quelques jours de vacances dans les Berkshires, (Massachusetts). A la fin d'un concert, je photographie la section de contrebasses du Boston Symphony Orchestra en résidence d'été à Tangelwood.
La combinaison des divers déplacements des musiciens, de mon prorpe mouvement, du type d'éclairage et des limites de l'obturateur à rideau en vitesse lente produisent un étrange effet stroboscopique.
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Depuis 1976 j'ai perfectionné mes connaissances de création de lumières en studio et notamment travaillé sur la décomposition et le rendu du mouvement, tout d'abord auprès du photographe de mode et d'illustration Bernard Vidal, puis dans mon propre studio new-yorkais.
La prise de vue à la chambre grand format me permet, en plusieures poses successives, de combiner avec précision les expositions au flash et au tungstène, ainsi que les mouvements du sujet et éventuellement les mouvements de l'appareil photographique.
A partir de 1985, de retour à Paris, je poursuis mes recherches aux Studios Oasis, que j'ai fondés avec deux autres photographes. J'imagine les quatre images de la série "MUSIC IN MOTION" (fixées par quatre minuscules croquis sur un talon de chèquier) et entreprends de les réaliser en tirant partie des ressources disponibles, alors qu'Oasis est devenu studio test pour les systèmes d'éclairages de la marque anglaise Bowens.
Je dispose d'un parc de générateurs de flash et de torches, d'une grande gamme de diffuseurs et d'accessoires, d'éclairage au tungstène, de stroboscopes, d'émetteurs de faisceaux laser pour détecter le mouvement, d'un plateau de 400 m2 et surtout d'une équipe d'opérateurs et d'assistants motivés.
En 1989 je réalise "POP" et "WORLD" en superposant toutes les expositions à la prise de vue.
Puis mon parcours créatif va prendre un détour et "MUSIC IN MOTION" va sommeiller pendant 17 ans.
Entre temps, j'ai consacré une large part de mon temps de recherche à explorer les techniques d'imagerie numérique. (je produis en numérique des illustrations photographiques pour des commandes dès 1994. Voir "PREMIÈRES DE COUV.").
Au printemps 2006, en préparation d'une exposition au Donjon de Loches pour la Biennale Photofolies en Touraine, j'entreprends de réaliser "CLASSIC" et "JAZZ", les deux images manquantes de la série "MUSIC IN MOTION", pour laquelle je compose et produit également un accompagnement musical avec le concours de musiciens spécialistes de chacun des styles évoqués.
Afin de conserver la possibilité de tirer ces images en grand format et en haute résolution, je capture les différentes expositions sur des plan-films argentiques 4 x 5 inches, dans un studio de 18m2, avec 3 flashs monobloc, une lampe photo halogène et sans aucun personnel.
prises de vues pour "CLASSIC"
prises de vues pour "JAZZ"
Je combine ensuite mes prises de vues sur ordinateur, pour créer les compositions imaginées à une époque où les techniques de réalisation envisageables étaient bien différentes.
montage numérique pour "CLASSIC"
montage numérique pour "JAZZ"
J'avais, dès le départ en 1988, une idée précise du résultat recherché, transcrire visuellement le ressenti de chacune des musiques évoquées. Je n'eu donc pas de difficulté à conserver une unité visuelle à l'ensemble malgré les différences dans les techniques mises en uvre, avec leur part de calculs et leur part de spontanéité.
"C'est longtemps après avoir imaginé "MUSIC IN MOTION" que j'ai découvert le travail d'Anton Giulio et Arturo BRAGAGLIA. Leurs images, et celles d'autres pionniers de la photographie, ont changé notre perception visuelle et notre compréhension du mouvement. On retrouve, entre autre, l'écho de leur questionnement tout aussi bien dans des uvres majeures comme le "NU DESCENDANT L'ESCALIER" de Marcel DUCHAMP que dans les petits traits ajoutés, assez tardivement d'ailleurs, derrière les personnages de bandes dessinées en mouvement.
Les photographes et les peintres du XXème ont cherché à comprendre le mouvement et se sont interrogés sur la perception du temps et de l'espace. Mais un siècle de création a passé.
Nous jouissons tous aujourd'hui, grâce à eux, d'un tel foisonnement de références visuelles que l'image peut désormais éveiller des sensations sur une palette beaucoup plus large.
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Quand je regarde la magnifique photo du violoncelliste réalisée en 1913 par les frères BRAGAGLIA, et qui fut celle par laquelle je les découvris, j'entends une musique qu'ils n'avaient peut être pas cherché à évoquer.
Pour "MUSIC IN MOTION", le mouvement n'est plus qu'un moyen. Cette musique, qui leur servit de sujet, est devenu mon unique objet."
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